« L’envol de Mars » – Greg BEAR

Au XXIIe siècle, plusieurs millions d’êtres humains vivent sous la surface de Mars. Un groupe d’étudiants s’oppose à la création d’un gouvernement centralisé, parmi lesquels la jeune Casseia Majumbar. Après la fuite du gouverneur, Casseia entame une carrière politique qui l’amènera d’abord à mener des négociations avec la Terre, puis à envisager toutes les possibilités qui pourraient permettre à Mars de prendre son indépendance, y compris les plus radicales…

L’envol de Mars aurait pu être un bon roman. Il l’est en partie, si on veut bien faire abstraction de la première moitié du livre (300 pages quand même). Le début du roman qui tient lieu de prologue, pour autant qu’on accepte ce terme pour un chapitre de plus de 150 pages, est censé nous présenter Mars, son organisation politique en modules associatifs rétifs à un gouvernement centralisé, ses relations tendues avec la Terre, et divers personnages dont on suppose qu’ils joueront plus tard un rôle important. Malheureusement, il s’agit plutôt des premiers émois amoureux sans intérêt d’une adolescente quelconque, d’explications lourdingues sur le permafrost martien dignes de la très ennuyeuse trilogie de Kim Stanley Robinson, et de soubresauts politiques qui n’ont ni queue ni tête (ainsi que la suite du roman le montrera).

Le lecteur qui a le courage de passer le cap de cette très longue introduction n’est pas au bout de ses peines. Car l’ascension politique de Casseia se perd elle aussi dans des méandres dont on cherche désespérément le sens. Quand le récit commence réellement à décoller (après 300 pages donc), l’espoir renaît : enfin, tous les personnages et les événements des chapitres précédents vont s’imbriquer dans les péripéties à venir, sans doute ! Eh bien, pas du tout… Les deux leaders de la révolte étudiante vont réapparaître brièvement pour retourner au néant aussi vite qu’ils en sont sortis. Aucun élément narratif de la visite de Casseia sur Terre ne réapparaîtra, de manière directe ou indirecte. Casseia elle-même embrasse dès le départ une carrière politique intégralement basée sur tout ce qu’elle combattait comme étudiante, sans que ça semble perturber qui que ce soit, elle en premier. En plus d’être ennuyeuse, banale et bancale, la première moitié du roman s’avère donc totalement inutile. C’est rude.

Il reste malgré tout l’effort d’anticipation scientifique, plutôt réussi, et le personnage de Charles, qui n’aurait rien perdu de sa superbe si les 300 premières pages qu’il traverse comme un épagneul dépressif nous avaient été épargnées. D’une manière générale, c’est toute la seconde moitié du roman qui est agréable : il y a de l’action, du suspense, des rebondissements, de la tension, des surprises, des découvertes, de l’originalité, à défaut d’un univers et de personnages denses qui auraient dû émerger des premiers chapitres.

L’envol de Mars a remporté le prix Nebula du meilleur roman en 1994, et a été nominé pour le prix Hugo dans la même catégorie. C’est un roman à la qualité extrêmement contrastée, très ennuyeux puis franchement excellent. Toute la question est de savoir si le lecteur est prêt à s’infliger 300 pages d’un ennui profond pour profiter de 300 pages passionnantes…

Greg Bear : L’envol de Mars – 1993

Originalité : 2/5. Il faut imaginer un mélange faisandé de Révolte sur la Lune (sans l’humour et le second degré de Heinlein), de Morwenna (sans l’humour et la merveilleuse personnalité de l’héroïne), de la trilogie martienne de Kim Stanley Robinson. Autant dire que pour l’originalité, on repassera. Ca s’arrange un peu sur la fin.

Lisibilité : 2/5. C’est lourd, c’est lent, c’est ennuyeux, sans être mal écrit. Ca s’arrange un peu sur la fin.

Diversité : 2/5. Aussi linéaire qu’un électroencéphalogramme plat. Ca s’arrange un peu sur la fin.

Modernité : 1/5. Une réflexion sur le fédéralisme et l’indépendance des territoires coloniaux. On aurait pu situer l’action dans les Etats-Unis de la fin du XVIIIe. Ca s’arrange un peu sur la fin.

Cohérence : 1/5. Comment faire un ensemble cohérent quand la première moitié l’est si peu ? Et oui, vous l’aurez deviné, ça s’arrange un peu sur la fin.

Moyenne : 3.2/10.

A conseiller si vous avez le courage de passer la moitié du roman. Parce qu’ensuite, ça devient vraiment bien.

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