« Morwenna » – Jo WALTON

morwenna-e14664109743291979. Après la mort de sa sœur jumelle, Morwenna fuit le foyer maternel. A 15 ans, elle est placée par son père dans l’école privée d’Arlinghurst en Angleterre, à quelques kilomètres de son Pays de Galles natal. Dans son journal intime, elle parle de tout ce qui fait sa vie : sa passion pour la littérature de science-fiction, ses relations compliquées avec ses condisciples, ses premiers émois amoureux, ses rapports familiaux complexes, la magie et les fées.

Morwenna n’est ni un space opera trépidant, ni un thriller horrifique. A vrai dire, seuls deux éléments rattachent ce roman à la catégorie SF : Morwenna croit à la magie des fées, et elle est fan de livres de science-fiction. Pour le reste, il s’agit simplement du journal intime d’une jeune fille. Il s’agit aussi simplement d’un livre d’une qualité exceptionnelle.

C’est d’abord la personnalité terriblement attachante de Morwenna qui rend cette histoire passionnante : elle est intelligente, drôle, déterminée et pleine d’esprit. Mais comme tous les ados, elle doute et cherche le sens de sa vie. D’interrogations existentielles en tentatives de révolte, de moments de désespoir en envies de fuites, elle ne tombe jamais dans la caricature et parvient à nous intéresser à toutes ses réflexions, qu’il s’agisse de la qualité des romans de Heinlein, de sa relation avec son père, de la nature des fées, de sa vie à l’école ou de l’achat de son premier soutien-gorge.

Le style frais et terriblement efficace de l’auteur se met totalement au service de cette personnalité et de ses relations parfois tortueuses. Les pensées de Morwenna sont souvent brossées en quelques phrases lumineuses qui densifient considérablement la jeune fille et les différents personnages de ce roman.

De plus, le rythme est remarquablement maîtrisé. Le récit vous embarque et vous attache littéralement à Morwenna, sans souffrir d’aucune longueur, parsemé de traits d’esprit particulièrement drôles. Le mystère menaçant qui plane en permanence tient en haleine, et à 20 pages de la fin, il est impossible de savoir comment le récit va se terminer. Ce final est d’ailleurs bien à l’image du reste : imprévisible, surprenant, léger et profond à la fois, drôle et touchant.

Contrairement à ce qu’on pourrait redouter, les très nombreuses références à la littérature de SF qui émaillent le récit n’alourdissent pas du tout le propos. Il n’est pas nécessaire de connaître tous les auteurs et toutes les œuvres évoqués par Morwenna (plusieurs dizaines) pour savourer la manière dont ils enrichissent sa vie et ses pensées. Bien sûr, saisir toutes ces références peut ajouter une dimension supplémentaire au plaisir de la lecture : moi aussi j’ai explosé quand j’ai appris que James Tiptree Jr était une femme ! Moi non plus, je ne considère pas Heinlein comme un fasciste parce qu’il a écrit Starship Troopers !

On peut aussi considérer plusieurs niveaux de lecture dans ce roman. Les allégories sont nombreuses, et les mises en abîme sont parfois saisissantes. S’agit-il de SF ou de fantasy ? Morwenna nous décrit-elle la réalité ou lisons-nous les délires paranoïaques d’une gamine traumatisée ?

Prix Nebula 2011 et Hugo 2012, Morwenna est un roman de 400 pages qui, pour ma part, aurait pu en faire 400 de plus. Il pourra déplaire aux plus cyniques, mais comment résister à une si belle célébration de la pulsion de vie au travers du folklore gallois et de la littérature de SF ?  Jo Walton a un talent fou pour donner vie à ses personnages avec une simplicité déconcertante. Ce roman est parfois drôle, inquiétant par moments, souvent émouvant, toujours agréable. Ce roman est un chef d’oeuvre.

5 star Jo Walton : Morwenna – 2011

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