« Déracinée » – Naomi NOVIK

Un roman enchanteur

Depuis toujours, le village de Dvernik est protégé des assauts du Bois – une forêt maléfique douée d’une volonté propre – par le «Dragon», un puissant magicien. Celui-ci, en échange de ses services, prélève un lourd tribut : à chaque génération, une jeune femme de la communauté disparaît dans sa tour. Cette année, c’est Kasia qui sera choisie. Forcément, c’est la plus belle, la plus populaire. Personne n’en doute, et encore moins Agnieszka, qui n’a jamais voulu de cet honneur. Mais les choses ne vont pourtant pas se passer comme prévu, et Agnieszka va découvrir un monde au-delà de l’entendement…

Il y a une forme de sorcellerie dans ce roman. Tous les lecteurs connaissent le page turner, ce besoin pressant de connaître la suite de l’histoire, cette difficulté à refermer un livre tant on est pris par le récit. La plupart du temps, cela se produit lors d’un final haletant, quand l’histoire approche de son dénouement. Dans Déracinée, ça débute à peu près à la page 20. C’est tout à fait exceptionnel, et il faut avouer que ça n’est pas évident d’expliquer pourquoi.

Nous sommes très clairement ici devant un conte pour adolescents penchant vers la dark fantasy, avec magiciens, princes, sorcières, familles de paysans pauvres, créatures maléfiques, malédictions, trahisons, envoûtements, morts tragiques et possessions démoniaques. A priori rien de bien original donc. Et pourtant, le sortilège fonctionne : les dialogues sont d’une qualité rare, les personnages prennent vie en quelques lignes, et on se retrouve embarqué sans vraiment s’en rendre compte dans une aventure passionnante. On ne bascule jamais dans la mièvrerie ou le conte enfantin, et on reste très loin des poncifs de la dark fantasy, comme si tous les codes étaient là mais utilisés d’une manière tout à fait surprenante.

À chaque fois que l’histoire semble installée, Novik parvient à la faire rebondir, en ajoutant une dimension inattendue, en faisant intervenir des nouveaux personnages, en changeant le lieu de l’action, et le sort du page turner perdure encore et encore. Il parvient même à envoyer suffisamment de bois pour que le dénouement soit littéralement haletant. Nous sommes en présence d’un talent extraordinaire de raconteuse d’histoires.

Inspiré d’un conte polonais, Déracinée a été nominé pour le prix Hugo du meilleur roman en 2016, et a remporté les prix Nebula 2015 et Locus 2016. Bien évidemment un grand studio (Warner Bros) en a acheté les droits dès 2015 pour en faire non pas une série pour une fois mais un film, dont la production aurait été confiée à Ellen DeGeneres.

Naomi Novik : Déracinée – 2015

Originalité : 3/5. Comment faire une recette originale avec des ingrédients vus et revus cent fois. Un tour de force.

Lisibilité : 6/5. De la magie, je vous dis.

Diversité : 3/5. Malgré un cadre assez restreint, on ne se lasse pas une minute.

Modernité : 4/5. Plus dans la forme que sur le fond, mais ça reste un vrai plaisir de voir une jeune fille prendre son destin en main, bousculer les traditions, tenir tête aux vieux mages et aux princes charmants pas tellement #metoo.

Cohérence : 5/5. Pas de temps morts, pas de longueurs, pas de fausses notes, de la première à la dernière page. Une maîtrise remarquable.

Moyenne : 8.4/10.

A conseiller si vous avez conservé un bout (même tout petit) de votre âme d’enfant.

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