« La fille automate » – Paolo BACIGALUPI

Dans un futur proche, la disparition des énergiCVT_La-fille-automate_7909es fossiles et les manipulations génétiques menées sur la faune et la flore ont provoqué des cataclysmes en chaîne dans l’écosystème. La survie de l’espèce humaine dépend des semences stériles vendues à prix d’or par les multinationales agro-alimentaires qui font et défont les gouvernements à leur guise. Le Royaume thaï semble être le seul à résister. Il parvient mystérieusement à produire des légumes et des fruits disparus, sans le concours des multinationales.

C’est dans ce contexte que nous allons suivre Anderson, prétendu entrepreneur en réalité agent sous couverture de la multinationale AgriGen à Bangkok, Hock Seng son contremaître chinois au statut précaire de réfugié, Jaidee et Kanya à la tête d’une patrouille de chemises blanches du Ministère de l’Environnement, et enfin Emiko l’automate japonaise abandonnée par son propriétaire et réduite à l’état d’esclave sexuelle dans un bordel de Bangkok.

La construction est classique, un chapitre alternativement par personnage, dont les destins vont rapidement s’entrecroiser. Cela permet d’imprimer un bon rythme au récit, et un éclairage multiple sur les mêmes événements. Le résultat est une franche réussite, particulièrement pour un premier roman.

La fille automate a pourtant quelques défauts. Le roman débute de manière extrêmement lente, l’immersion dans Bangkok se veut touffue, nonchalante et étouffante à l’image de la ville telle qu’elle nous est décrite. Le recours à de nombreux termes thaïs alourdissent encore un peu plus le récit, avec par exemple des phrases telles que : « Tout autour d’elle, des cordes à linge couvertes de pha sin et de pantalons bruissent dans la brise venue de la mer. Le soleil descend, brille encore du haut des wats et des chedis. L’eau du khlong et de la Chao Phraya scintille ».

Néanmoins, quand le récit trouve son rythme de croisière après les 200 premières pages, il est très difficile d’y résister. La ville plonge progressivement dans le chaos et tous les personnages sont pris dans le tourbillon de la guerre civile. L’auteur parvient à nous tenir en haleine et à nous surprendre jusque dans les derniers paragraphes et même les dernières lignes du roman. Il donne une remarquable cohérence à un univers qui se révèle fascinant et exotique, depuis les cheshire, chats invisibles créés en hommage à Lewis Carroll aux éléphants génétiquement modifiés pour fournir de l’énergie en actionnant d’immenses roues mécaniques. La galerie de personnages est plutôt impressionnante, et aucun d’entre eux n’est caricatural.

Prix Hugo 2010 et Nebula 2009, La fille automate est un roman ambitieux, un des rares représentants du biopunk, sous-genre du cyberpunk axé sur les biotechnologies qui soulève des thèmes d’une modernité saisissante : OGM, manipulations génétiques, transhumanisme, pouvoir des mégacorporations, piratage d’ADN, etc…

Attention toutefois, plusieurs passages de ce livre peuvent s’avérer difficiles pour les âmes sensibles, décrivant notamment des viols collectifs et des exécutions sanglantes. Ils en font une oeuvre à réserver à un public d’adultes avertis.

4-stars Paolo Bacigalupi : La fille automate – 2009

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